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21 February 2010


Ce mois dernier a été placé sous le signe du « orange ». À commencer par l’orange de ces jolis petits tigres pédestres en feutre, acquis pour satisfaire ma voisine du dessous allemande, qui ne supportait plus le « kchhhh kchhhh kchhhh » de mes pantoufles antidérapantes (ce qui n’a rien changé à la situation : 2 jours plus tard, j’ai trouvé une lettre sous ma porte au gros marqueur vert, qui disait « Hi, sorry I forgot your name. Small request : Could you try and cross your room a little less energetic? Thanks for your understanding. » Psychopathe.)


Orange aussi comme mon bronzage depuis que j’ai obtenu que nos entretiens de témoins se déroulent au soleil, sur le toit d’un hôtel du quartier touristique pour éviter que les témoins se figent dans le froid du bureau (et mon cerveau avec). Une d’entre elles vomissait à chaque fois qu’elle venait car elle était malade en bus donc j’ai essayé de finir le boulot le plus rapidement possible, ce qui s’est avéré tâche ardue à cause des questions bizarres de mon interprète, qui est seulement sensé traduire mais lance des questions de son propre cru parfois (je demande à la jeune témoin les questions d’identification habituelles : « Are you married ? ». Elle répond que non. L’interprète demande « Do you have boyfriend ? ». Quand je lui demande quel est son métier, et qu’elle répond « secrétaire », l’interprète rajoute : « How much you earn ? What speed you type ? ». Psychopathe). Entretiens éprouvants pour tous donc, heureusement avec des moments qui ont détendu l’ambiance, comme la fois ou par inadvertance j’ai demandé un « fresh lemon soda without fart please » au serveur, au lieu de demander le demander le soda « without salt » (les Népalais boivent leur lemon soda avec un sel spécial, le sel noir, qui a véritablement une odeur et un goût de pet, ce qui nous a conduit, entre stagiaires, à la surnommer le « fart lemon soda », d’où ma méprise).

Orange ensuite comme les robes des milliers de saddhus et centaines de milliers d’autres visiteurs venus célébrer Shivaratri, le festival dédié à Shiva (c’est son anniversaire !), et fumer des joints à outrance à Pashupati, l’immense temple hindouiste à l’est de Kathmandu, qui est aussi un lieu de crémation de premier choix pour les hindous, traversé par la rivière Bagmati (l’équivalent népalais de Varanasi). Ce jour là, les hindous jeûnent toute la journée, se trempent dans la rivière sacrée et vont au temple rendre hommage à Shiva. Surtout, le jour de Shivaratri, fumer du hash et de l’opium est autorisé car on dit que ça fait plaisir à Lord Shiva, qui lui même n’a rien contre se péter la tête de temps à autre.

Venue en bécane depuis Kathmandu avec Diana (ma copine bikeuse de l’extrême – oui je considère les rues de Kathmandu comme l’ « extrême »), dans un périple d’autant plus extrême que la tradition pour Shivaratri est que les gosses tirent des cordes en travers des rues, et acceptent de laisser passer les gens en échange de quelques roupies (le « trick or treat » à la sauce locale, version dangereuse si tu vois pas la corde et que tu la prend de plein fouet à 40 à l’heure), et qu’il pleuvait des cordes (chaque année, apparemment, il pleut le jour de Shivaratri, alors qu’il n’a y a que 3 ou 4 jours de pluie pendant tout l’hiver en général... mystère mystère!).
(les deux photos suivantes ne sont pas de moi mais viennent de http://lifeinkathmandu.blogspot.com/2009/03/maha-shiva-ratri-kids.html)




























Les 550,000 (!) pèlerins étaient venus des 4 coins du Népal, mais aussi d’Inde pour ce festival qui à première vue, tient plutôt du Paleo version hindou que du recuillement peaceful que j’avais imaginé : installations lumineuses électriques les plus élaborées et bizarres (une représentant ce qu’on a interprété comme un paon qui vomissait, que je n’ai malheureusement pas immortalisée avec mon appareil), tentes avec des « groupes » qui jouent et des danses traditionnelles, barbes à papa, stands de samosas, colliers, encens, peintures sur mains et babioles en tout genre... Petit malaise pour nous occidentaux qui étions littéralement propulsé à l’avant de toutes les files d’attentes et pouvions entrer sans payer et passer toutes les barrières de sécurité alors que les pèlerins locaux devaient faire la queue pendant des heures pour atteindre l’enceinte du temple...

Malgré la foule impressionante à l’intérieur et autour des ghats de crémation, aucune bousculade ni agressivité (forte présence policière il faut dire), à part une main baladeuse pour Diana et une cacahuète en plein visage pour moi. On se fait gentiment offrir le thé à l’entrée et on papote comme si de rien n’était à côté des ghats de crémation. Diana et moi, fraîchement bénies par un saddhu, avec notre tika sur le front et nos bracelets orange faisons la connaissance d’une nouvelle recrue de l’ONU tout juste débarqué de Londres. Pendant le blabla de présentation habituel, il me sort « So are there only Nepali people in your organization or also foreigners ? ». Je lui dit « Well apart from me, there are 3 or 4 other expats ». Tout surpris il me fait : « Oh so you’re not Nepali ?? ». Hehe, integration réussie (ou bronzage un peu trop intensif peut-être...).

En fin d’après-midi, l’atmosphère est graduellement devenue plus religieuse et plus magique, les hauts parleurs ont commencé à déclamer des prières, les nuages se sont dissous pour nous laisser admirer un magnifique coucher de soleil orange sur les reliefs du temple, alors que des milliers de petites lampes à beurre (lampe au beurre ? butter lampe ? on se comprend – voir photo) étaient allumées sur les ghats... Avec Diana, on a malgré tout raté la cérémonie nocturne, faiblesse féminine oblige, pour aller se faire peinturlurer les mains avec du henné.... Sans penser, of course, qu’il nous faudrait ensuite farfouiller dans nos sacs pour pouvoir payer nos admirables henné-artistes. Il a donc fallu jouer de confiance, leur laisser farfouiller dans nos sacs et nos portefeuilles elles-mêmes, ce qui s’est soldé par une facture augmentée de 50Rs (on était difficilement en position de négocier – mais étant donné l’attroupement autour de nos portefeuilles, cela aura pu tourner de manière un peu moins bénigne...). Impossible de repartir en moto avec nos mains dans cet état, on a donc errer dans les alentours du temples pendant deux heures, les mains en l’air comme des marionnettes, frigorifiées, Diana portant son casque dans les deux mains comme un oeuf d’autruche, devant les Népalais hilares... Car le henné, c’est joli mais ca sèche leeeeeentement... Mais Shiva vallait bien ça.














































































































































































Mais l’aventure du weekend ne faisait que commencer. Partis pour une bière tranquille à Jazz Upstairs (un bar très chouette avec des groupes de pseudo-jazz qui jouent tous les samedi... mais je crois que je blog-radote) le lendemain soir, on se fait embrigader un peu malgré nous à la boîte hype de Kathmandu : le Cube. Soirée spécial St Valentin, et dieu sait si les Népalais sont friands de toutes ces fêtes commerciales occidentales à deux balles (tu te fais même souhaiter « Happy Valentine’s Day » par les caissières au supermarché). Après que notre driver se soit fait refouler pour cause de tongs, on entre dans ce haut lieu de la nightlife kathmandouite avec curiosité. Dancefloor sur deux étages, jeunes népalais qui se font servir des mojitos par des serveurs en combinaison argentée et qui se déhanchent sur le dancefloor sur des hits techno des années 90... On hésite entre se tirer ou se tirer quand un countdown retentit. « Seven ! Six ! Five ! Four ! ... ». Mais oui, c’est juste, c’est le nouvel an népalais demain ! Quand même un peu de religion dans ce monde de débauche... « ... Three ! Two ! One ! Happy Valentine’s Day ! ». Un flot de paillettes tombe du plafond et un slow bollywood jaillit des hauts parleurs. Quand Tessa, une copine américaine, se fait attraper par ce qui aurait du être la taille mais qui s’est trouvé être la fesse par un Népalais bourré pour dancer le slow, on décide que cette fois il est temps de quitter le Cube


















Le lendemain, c’est donc bien le nouvel an (‘losar’) tibétain cette fois, avec le haut lieu des festivités à Bodnath, où vit la majorité de la communauté tibétaine de de Kathmandu. J’ai eu la chance de partager ce premier jour des festivités (qui durent en tout 15 jours, avec les plus intenses célébrations pendant les 3 premiers jours) avec la famille des Tibétains que j’ai rencontré à Genève avant mon départ. Pas de festivités en grandes pompes autour du stupa cette année malheureusement en raison des persécutions de l’été 2008 au Tibet. Mais Losar reste surtout une fête familiale ou les proches se rendent visitent mutuellement, s’offrent la khata, cette écharpe blanche en soie utilisée comme offrande / signe de respect par les bouddhistes, mangent et boivent des mets spéciaux que je serais incapable de nommer, encore moins de décrire, font des tours et des tours de stupas en faisant tourner les moulins à prière, et font aussi la tournée des monastères du coin (et non pas la tournée des bars, comme nous occidentaux débauchés, pour le nouvel an). J'ai donc ‘tourné’ avec eux, admiré ces magnifiques monastères, goûté à ces mets étonnants, perfectionné mon « Tashi Delek ! », et effectué des rituels que je n'ai compris pour la plupart qu’à moitié (faire une pichenette pour les dieux avec une goutte d’un breuvage dont j’ai oublié le nom, prendre une pincée de farine et se la mettre dans la bouche, mettre du jus d’orange béni à Lumbini, lieu de naissance de Bouddha, dans le creux de sa main, se le passer dans les cheveux et croquer un biscuit – descriptions approximatives qui vont outrer les connaisseurs mais rituels intriguants pour la novice que je suis !).

















Bizarre ce drapeau communiste en mandala de sable en plein Bodnath....


















En plein tournage de moulins à prière...



































De retour à la maison familiale pour un thé, en fait un grand immeuble ou une dizaine de familles habitent, on jette un oeil au rez de chaussée, une grande salle qui servait de local pour une ancienne industrie de tapis, comme en témoignent les métiers à tisser (ça se dit pour les tapis ? ou les métiers à tapisser ?) entassés au fond contre le mur. Aujourd’hui, la salle est utilisée pour une des activités essentielles de tout losar qui se respecte : les jeux de société ! De petits groupes par-ci par là jouent aux cartes, aux échecs, aux dominos, et à un jeu bizarre avec des dés et des coquillages ou on tape sur un petit tapis rond en criant, sous l’oeil bienveillant du Dalai Lama entouré d’une montagne d’offrandes : riz, farines, biscuits et même bières.

Pour la plupart des personnes assez agées, qui sirotent leur thé beurré en jouant avec entrain ou contemplent la scène d’un oeil paisible, les doigts égrenant leur chapelet, pendant que les jeunes jouent au basket dans la cour. Après un dernier tour de stupa, on allume quelques bougies (pour chacune d’entre elle on peut faire un voeu pour quelqu’un), on regarde la mêlée de tibétains qui essaient d’obtenir un petit sac de friandises issue du tas d’offrandes qui ont été offertes durant la journée et sont maintenant redistribuées (donc non, tout n’est pas jeté à la fin comme je le croyais) en machouillant notre paan (mixture de graines et d’autres trucs bizarres emballée dans une feuille, goût de dentifrice assez bon mais un peu gerbe d’avoir cette masse dans la bouche après 5 minutes). Journée très peaceful pour couronner un weekend spirituel, qui s’achève néanmoins de manière peu peaceful...


























































































































































































































































Dans le taxi du retour, on se fait arrêter en chemin par des forces de police armées. Le pont que l’on doit traverser est en feu. Le taxi driver fait demi tour et nous emmène par des chemins étroits, tortueux et pleins de pierre au bord de falaises, et nous regarde dans le rétroviseur, hilare devant notre air terrorisé, s’exclamant : « Dangerous road, dangerous road, haha ! » On essaie de lui faire comprendre que ce serait mieux qu’il regarde la route plutôt que le rétroviseur et il nous mène finalement à bon port 1h plus tard. Le lendemain, on apprend ce qu’il s’est passé à travers les journaux. Un chauffeur de bus a écrasé un gosse dans l’après midi (la pratique en général, quand un chauffeur heurte quelqu’un, c’est de retourner en arrière et de lui repasser dessus pour être sûr qu’il est mort – moins cher de payer une unique compensation pour décès qu’une pension invalidité à vie...), et, en représailles, les villageois du coin on mis le feu à 4 autres bus de la même compagnies (tradition encore...). D’où le pont en feu. Les Népalais font pression pour faire interdire cette compagnie de bus, possédée par la vice-premier Ministre, car il roulent comme des malades, font la course entre eux, et ont déjà provoqué une douzaine d’accidents similaires cette année. Dangerous road, dangerous road...

Lundi soir, c’est le jour du massage ayurvédique / sauna (en fait c’était la première fois, mais je sens que je vais créer une tradition jusqu’à mon départ...). Après m’être fait malaxer de toutes parts avec de l’huile chaude, marcher sur le dos, craquer la colonne vertebrale et frictionner le cuir chevelu avec enthousiasme par ma masseuse, celle-ci me montre la direction du sauna. Chouette. Jusqu’à ce que j’entre et voie 2 Népalais mâles la bière à la main, à moitié à poil (forcément c’est un sauna vous allez me dire) et l'oeil visqueux. Je vaincs mes appréhension et préjugés culturel, j’ajuste ma serviette et je m’assied à côté d’eux. Grande suprise, ils sont tout à fait courtois, n’ont pas l’oeil baladeur et on entame une discussion sympathique sur les problèmes d’approvisionnement en énergie de Kathmandu. Je profite donc avec sérénité du sauna, malgré le gros cafard qui erre entre mes pieds d’un air perdu sur le sol moite. Je sors requinquée, et après une merveilleuse douche chaude avec débit appréciable et attends mes comparses tibétains avec un thé au jasmin. Quelques minutes plus tard, il jaillissent du centre, l’air effaré. « I was almost sexually assaulted in the sauna ! » raconte Kunga. Le désintérêt total des deux Népalais à l’égard de ma semi nudité s’explique soudainement ! Un peu écoeurés par l’endroit (mais quand même avec un bon pour 3 prochaines séances de massage) on se tire oublier tout ça avec un bon repas israélien et un limonade à la menthe.

La semaine a toutefois été relativement tranquille, pas autant avancé que j’aurait voulu dans mon travail car la personne qui devait traduire des documents pour moi a eu « la diarrhée pendant 17 heures » (ici, on a le goût du détail) et pas d’évènement notable si ce n’est que Tessa et moi avons failli se faire arrêter lors d’une descente de flics sur le quartier des prostitués transsexuels du quartier touristique (mauvais endroit, mauvais moment... coup de chance on ne portait ni jupe ni maquillage outragesque, et les flics nous ont laissé tranquilles après nous avoir examinées à la lampe de poche).

Au prochain épisode, les photo du trek au « nonnastère » de Nagi Gompa et du festival des couleurs Holi....Namaste !

09 November 2009


Me voilà donc partie pour une nouvelle aventure dans une contrée lointaine ! Cette fois ci, il ne s’agit pas d’ôter leur virilité à de pauvres canidés keralais qui n’ont rien demandé, ni d’enseigner des rudiments d’anglais à des orphelins cambodgiens, ni de perfectionner ma posture du cobra devant les flots scintillants du Gange, mais de traquer l’impunité (always). Néanmoins, comme lutte contre l’impunité et publicité ne font pas bon ménage, ce blog sera plutôt dédié à la vie à Kathmandu et aux périples qui me mèneront dans des forêts encore plus lointaines au fin fond du Népal. Et cette fois-ci, comble du luxe, vous aurez droit à de la ponctuation et à des accents, étant donné que mon fidèle MacBook est du voyage !
Pour être honnête, mes genoux claquaient un peu de trouille dans l’avion. Il faut dire qu’après avoir suivi les derniers événements politiques et écouté les recommandations glanées ici et là, je m’attendais au mieux à être bloquée à l’aéroport de Kathmandu pendant 2 jours à cause d’une « bandh » (grève générale et blocage du trafic, fréquents ici), au pire à me faire capturer par une horde de maoïstes fous furieux – j’avais déjà prévu d’essayer de les amadouer à coup de boîtes de Lindt / ou de les assommer à coup de Toblerone de 400g....
Mais non, rien de tout ça. J’étais attendue à l’aéroport par Kunga, le cousin d’un népalais / tibétain rencontré à Genève la veille (au resto Everest, super bon, allez goûter les momos et le pain tibétain, ça vaut le détour !) qui m’a amené sans encombre jusqu’à mon appartement royal (c’est peut-être un sacrilège de dire ça maintenant que la monarchie a été abolie, mais vous admettrez que quand on vient de la crise du logement et de ses 2 pièces à 1300 balles à Genève et qu’on emménage dans un appart de 100m2 lumineux sur chaque face avec parquet tout neuf et tout à fait propice à des sessions yogesques intensives, ainsi qu’un immense balcon tout de plantes vertes garnies, on a le droit que dire que c’est royal non ?).

Logement parlant, c’est donc le pied, le frigo marche (et tellement bien qu’il congèle le lait), je dispose d’un chauffage d’appoint (alors que je m’attendais à des têtes-à-tête au fond du lit avec mon amie la bouillotte pendant les glaciales soirées d’hiver), et d’un gardien 24/24, enfin de 3 qui se relaient. L’un est un peu sourdingue et je dois tabasser le portail pendant 10 minutes pour qu’il se réveille, le deuxième est à l’affût constamment ou a un sens de l’audition supersonique – rien qu’au son de mes pas gracieux sur la terre poussiéreuse de notre ruelle, il se rue sur la porte. La troisième est une femme au physique de catcheuse répondant au doux nom de Lakshmi.
Cette première semaine a donc été dédiée à la phase 1 du voyage: « Apprends à te repérer et à survivre en terre inconnue et potentiellement hostile ». Pour me mettre dans l’ambiance, j’ai même écouté en boucle la BO d’ « Into the Wild »... Mais finalement, pas eu besoin de me laisser pousser la barbe pour me protéger du climat ou d’assassiner un cervidé pour me nourrir, le supermarché du coin sur 4 étages fournissant tout ce dont on peut rêver, de l’après-shampoing spécial cheveux secs au concombre et aux pois chiches (ici ça a l’air glamour de mettre des légumineuses dans les produits de beauté) aux protéines de soja désydratées, aux Converses violettes à scratch en passant par les tupperwares à compartiments multiples et les os pour chiens au fluor. Et là, mercredi, alors que j’hésitais entre les petits pois et les carottes, paf, tout devient noir. Normalement dans les films quand ce genre de choses arrive, tout le monde se met à courir en hurlant ou à voler des trucs. Mais là non, on continue son shopping tranquillement à la lampe de poche jusqu’à ce que le générateur se mette en marche.
Dans les petites ruelles qui mènent à chez moi, les coupures de courant c’est moins marrant, surtout les premiers jours. Lors de ma première expédition pédestre nocturne, j’ai passé une bonne demi-heure a essayer de rentrer depuis le supermarché qui se trouve à 500 mètres, à essayer de me repérer à l’odorat (maïs grillé, plastique brûlé, bonnes odeurs de cuisine, fleurs dont j’ignore le nom, maïs grillé, plastique brûlé, bonnes odeurs de cuisine...), et quand j’ai réalisé avec panique que je tournais en rond, que j’étais incapable de demander mon chemin étant donné que les rues n’ont pas de nom, et que je n’ai donc pas d’adresse, mes narines ont finalement frémi à l’odeur caractéristique de fraise superchimique de la petite ruelle qui mène à celle qui mène à chez moi (cette odeur très pratique n’apparaît que le soir vers 18h, pile à l’heure de la coupure de courant, et le sol devient tout mouillé juste à cette heure là donc j’en ai conclu que c’était l’heure du bain des enfants). Désormais c’est bon j’ai donc mes marques.

Après m’être un peu acclimatée au quartier, avoir harcelé mes 30 collègues en moyenne 5 fois chacun pourqu’ils répètent leur prénom (donc beaucoup de salive utilisée pour pas grand chose, sachant que je ne m'en souviens d’aucun, ou d’un ou deux de manière extrêmement approximative), et avoir obtenu sans trop de difficultés une carte SIM locale (moyennant un nombre d’informations impressionnantes sur mon identité, y compris le prénom de mon grand-père paternel), je me suis aventurée dans le reste de Kathmandu. Pour une aventure qui n’en était finalement pas vraiment une, puisque mes pas m’ont menée jusqu’au quartier ultra-touristique, Thamel, alors que le but de l’opération était de découvrir le quartier historique et ses superbes temples. Mais la faiblesse féminine étant ce qu’elle est, j’ai passé l’après-midi à marchander des foulards à paillettes et des couvertures en laine de yak, a zigzaguer entre les « Tiger balm miss, tiger balm, cheap ! » et les trekkeurs en quête de matos cheap jusqu’à ce que je doive rentrer en vitesse chez moi pour accueillir l’installateur d’internet. Et après l’avoir vu cliquer, bidouiller, entrer pleins de codes bizarres et ouvrir des applications étranges, avoir esquissé un sourire timide après la réussite de ces opérations, et s’enfuir limite en courant, je confirme que le Geek n’est pas qu’une espèce occidentale. Je peux donc désormais manger mes cornflakes à la mangue en regardant les infos sur France 24 le matin, quel luxe !

Aujourd’hui, bien décidée à ne pas laisser libre cours à ma fièvre acheteuse, j’ai pris le chemin de Bodnath, une petite ville à une demi-heure de Kathmandu, qui abrite une importante communauté de réfugiés tibétains et un magnifique stupa («stupa » signifie « tas » mais comme vous pouvez le voir sur les photos, c’est d’un bien joli et impressionnant tas donc il s’agit – en fait le stupa est l’élément de base de l’architecture culturelle bouddhiste et jaïn. Il ne consiste, à ses débuts, qu'en un empilement de pierres au cœur duquel est enfermée une relique du Bouddha. En effet, d'après la tradition,
après la crémation du Bouddha, ses reliques sont partagées en huit parties qui sont distribuées aux huit rois venus lui rendre hommage à cette occasion. Ce sont ces reliques qui vont être enchâssées dans les premiers stupas. Merci Wikipedia.) Après-midi sympathique a me promener autour du stupa (dans le sens des aiguilles d’une montre !), a jeter un oeil aux monastères du coin en me faisant expliquer les rudiments du bouddhisme tibétain par Kunga. Atmosphère vraiment tranquille, les chiens se dorant la pilule sur la pierre blanche, les moines promenant leur robe brune autour du stupa, les touristes engouffrant des pizzas sur les roof-top terrasses qui surplombent la place...

Mais grâce à mon guide Kunga, j’ai pu satisfaire ma faim autrement qu’avec une pizza : invitée pour un lunch tardif cuisiné par son père, j’ai goûté les délices de momos faits maison et du thé au beurre salé. Et là, ce n’est pas pour faire la routarde super open qui trouve tout ce qui est exotique trop génial, mais honnêtement, malgré son apparence douteuse et ses morceaux de trucs bizarres qui flottaient à la surface, ce thé était dé-li-cieux ! Accueil adorable et petit cours de tibétain improvisé (laborieux, mais allez-y vous aussi, essayer d’apprendre le népalais et en même temps le tibétain, tout ça en pleine phase digestive post-momos !) mais j’ai quand même réussi à remercier le père de Kunga d’un « Pe mangpo thukche chey » en ne regardant (presque) pas mes notes !
Il est maintenant tard. La suite des aventures viendra la semaine prochaine !
ps. la photo des momos, elle est pas de moi, mais je me suis dit qu'il fallait quand même que vous sachiez à quoi ça ressemble !